Idées

Démocraties en danger

par Guillaume de Fonclare, texte publié dans La Croix le 18/01/2021


La démocratie est toujours en danger, qu’elle soit multiséculaire ou toute récente. Les événements du 6 janvier dernier aux États-Unis le démontrent une fois encore ; certes, la responsabilité de l’actuel locataire de la Maison-Blanche est immense et l’invasion du Capitole par une troupe d’agités touche à l’insurrection. Mais il ne faut pas s’y tromper, une partie de la société nie la validité du processus démocratique, outre-Atlantique comme en France. La représentation nationale est illégitime, et le pouvoir confisqué par une élite dont les objectifs ne sont pas ceux du « peuple », vécu comme l’incarnation réelle de la démocratie. Celui-ci, qu’il soit émanation des campagnes ou des banlieues urbaines, rejette toutes les règles qui fondent notre système républicain, et voit en nos dirigeants des ennemis à combattre. Il ne faut pas se voiler la face, ce qui s’est passé à Washington pourrait très bien se dérouler en France ; le mouvement des gilets jaunes en est l’un des exemples marquants.

Il n’est pas question ici d’un tremblement de terre, il s’agit plutôt de tectonique des plaques. La lame de fond qui enfle en Occident pourrait tout emporter, pour peu qu’on ne prenne pas en compte le phénomène. Il est réel, profond, incarné en une détestation de nos représentants, qu’ils soient barons en province ou grands-ducs à Paris. Les femmes et les hommes politiques ont confisqué le pouvoir à leur unique profit, et leur projet d’asservissement des peuples de la planète est concerté et planifié ; voilà ce que l’on peut entendre ici ou là et lire sur les réseaux sociaux. La pandémie de Covid-19 participerait de ce projet, pour permettre l’inoculation de puces électroniques via le vaccin, puces activées par la mise en œuvre de la 5G et qui assurerait dès lors le contrôle de nos esprits. Je suis, comme vous, atterré par ces allégations, mais elles ont un indéniable succès sur la Toile. Elles viennent nourrir le ressentiment général qui agite toute la société contre notre personnel politique. Oui, la démocratie est en grand danger, et les événements américains pourraient préfigurer une possible effervescence autour de l’élection présidentielle française.

Force est de constater qu’une certaine nomenklatura a confisqué le pouvoir. Aujourd’hui, nul ne peut se lancer dans l’aventure de l’élection sans être adoubé par un parti, quel qu’il soit, qui mettra en œuvre dès lors toutes les ressources en sa possession pour vous faire élire. Hors du parti, pas de possibilité de se faire désigner par les électeurs. L’hyper interconnexion de notre société, son hypermédiatisation, qu’elle soit locale et nationale, exige des moyens de diffusion dont les coûts sont hors de portée du premier venu. Tracts, affiches, blogs, sites Internet, chargés de communication, attachés de presse sont devenus indispensables pour qui veut se faire connaître et seule une organisation solide financièrement peut se permettre de les commanditer, même si une partie de ces sommes est in fine remboursée par l’État à l’issue du processus de sélection. Cette confiscation de la représentation nationale par des groupes d’intérêts constitués en ce sens pose un réel problème de légitimité pour bon nombre de citoyens. Les élus sont considérés comme inféodés à un système dont les objectifs touchent plus à la conservation d’un statu quo qu’à la réforme en profondeur d’une société qui en a bien besoin. Pire, on assiste à une forme de connivence transpartisane pour ne pas rénover l’État, ne pas amender la Constitution, ne pas faire évoluer le pays vers plus de démocratie participative, afin de préserver un pouvoir qui, semble-t-il, monte à la tête de beaucoup.

L’année qui vient sera déterminante à plus d’un titre. Au-delà de la gestion de la pandémie, nos représentants devront démontrer leur volonté de réformer nos institutions pour laisser une plus grande place aux citoyens dans la prise de décision collective. Je gage qu’il n’en sera rien, néanmoins, et que le ronron glacé du temps qui passe nous amènera gentiment à 2022 sans qu’aucune modification d’envergure n’ait été initiée dans ce sens. Il sera l’heure, alors, de choisir notre président de la République et nos députés à l’Assemblée nationale. Espérons qu’alors la lame de fond ne viendra pas tout submerger, institution, prébendes, pouvoir. Oui, la démocratie est en danger, mais n’oublions pas l’auguste privilège que nous avons de pouvoir exprimer notre mécontentement dans le meilleur des systèmes. Il faut dès lors, en citoyens, agir, voter.

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