Idées

REVIVIFIER LA DEMOCRATIE PAR JACKY SIMON . VICE PRESIDENT DE DEMOCRATIES

La Démocratie est en danger autant à cause des attaques qui lui viennent de
l’extérieur que de la langueur qui la mine de l’intérieur.
Parmi les remèdes avancés de toute part figurent en bonne place des
modifications institutionnelles plus ou moins radicales Des constitutionnalistes
s’en donnent à cœur joie, proposant de bouleverser notre Constitution , allant
jusqu’à une nouvelle charte De nombreux rapports jalonnent la vie publique et
avancent des mesures plus nuancées ou s’intéressent en priorité au niveau
local comme le récent ouvrage publié sous la direction de René Dosière On
nous annonce aussi que le. Président a« consulté » ses prédécesseurs et veut
faire de la reforme des institutions un marqueur de son second quinquennat
Il vient d’annoncer son souhait d’élargir le champ du referendum. et le
remaniement positif du dispositif du referendum d’initiative partagée
S’il est difficile de contester l’intérêt d’aménagements plus ou moins
importants ,il faut cependant reconnaître que d’un bien peuvent naître
d’autres maux L’exemple de la suppression du cumul des mandats en fournit
un bel exemple Si cette mesure majoritairement réclamée a eu des effets
bénéfiques notamment dans un premier temps pour le renouvellement du
personnel politique , des voix s’élèvent pour procéder à des ajustements
compte tenu de la rupture du lien nécessaire entre élus nationaux et citoyens
En fait traiter d’une question aussi sensible qui met en cause le comportement
individuel voire collectif des citoyens ne relève que marginalement d’une
approche institutionnelle .

Sans doute est ce la démarche la plus facile même si elle n’intéresse que peu
nos concitoyens et s’apparente à ce qu’un de mes amis professeur de
management public qualifiait de « tracassin réformateur » Est-ce la meilleure
voie pour revivifier la démocratie ?
Je ne le pense pas
A dire vrai , on aurait pu penser que le développement des techniques de
communication était de nature à favoriser un plus grand dialogue entre les
citoyens En fait la technique est de peu d’effets me semble t il Les citoyens se
parlent de moins en moins directement et les lieux d’échanges véritables ne
sont pas au rendez vous. On s’invective, on s’envoie des mails … et l’anonymat
prend le pas sur la convivialité qui ne devrait pas exclure la confrontation
citoyenne .
Les réseaux sociaux ne sauraient se substituer à l’échange de face autour
d’une table , dans une salle ,dans l’arrière salle d’un bar ….
Mais la question centrale a trait à l’intérêt que nos concitoyens porte à la chose
publique ce qui se traduit en particulier par leur implication dans la vie de la
Cité , au premier rang LE VOTE .
Elle tient , me semble t il , au sentiment que l’on ne s’occupe pas des
questions essentielles qui les préoccupent.
Par exemple est on certains que les problèmes soulevés par l’épisode des
gilets jaunes , non rendus publics contrairement aux engagements pris ,un déni
de démocratie, sont au premier rang des préoccupations de nos dirigeants ? Je
n’en suis pas certain
Nos concitoyens sont particulièrement sensibles à deux
qualités qu’il faut sans cesse remettre au goût du jour et cultiver mais qui sont
particulièrement difficiles et qui se jouent sur le long terme : LA CONFIANCE et
LE RESPECT
Cesser d’utiliser l’argument d’autorité qui fait rarement autorité est la. marque
de respect portée au citoyen .
Les. Français ,grâce à l’éducation reçue ,souhaitent de plus en plus des
explications et ne se contentent plus d’approximations .Ils ne comprennent pas
les changements incessants de position de leurs hommes politiques sauf si on
prend la peine d’expliquer pourquoi ces revirements Il ne suffit pas cependant
de reprendre la. formule d’Edgar Faure , d’ailleurs empruntée à Camille
Desmoulins, selon laquelle « ce n’est pas la girouette qui tourne c’est le vent »
L’explication est un peu courte …

Faute de cet effort explicatif nos concitoyens ont vite fait de taxer leur
interlocuteur de menteur ou au minimum de douter ,attitudes aux effets
désastreux .Je n’insiste pas par ailleurs sur la nécessité évidente de l’obligation
d’exemplarité de la part de nos dirigeants !
Chacun souhaite. être reconnu comme un être unique digne d’intèrêt et sans
revendiquer un passe droit , être traité équitablement . Ceci concerne certes
les politiques mais aussi toute personne détenant du pouvoir et fréquemment
mis sur le même plan .
Alors il en résulte une attitude de « à quoi bon ? » conduisant aux attitudes
blasées et au refus d’agir , de se prononcer , par exemple de voter ..
Alors oui la loi est générale mais ce n’est pas la violer que de tenir compte de la
situation particulière de chacun Cela s’appelle l’équité .
Si la confiance ne se décrète pas. , il est des attitudes qui méritent d’être
encouragées
Il ne suffit pas de multiplier les bureaux d’accueil pour avancer , encore faut il y
installer des personnes qui sont persuadées que le citoyen qui réclame n’est pas
a priori un empêcheur de d’agir en rond et fait preuve d’un minimum
d’empathie
Une telle attitude, sans transiger sur le principal , permet des miracles. J’en
citerai un vécu dans mon expérience personnelle de médiateur de l’éducation
nationale :
Peu de temps après avoir créé le réseau des médiateurs ,je suis conduit à
recevoir une femme de 50 ans environ qui se précipite dans mon bureau et me
dit toute en pleurs, un gros dossier à la main : »enfin je vais en avoir le cœur
net . Je suis l’objet d’un traitement injuste de la part de mon administration qui
refuse mon reclassement .Ce dernier est un tissu d’erreurs qui me portent
préjudice .Aidez moi ! »
Devant son désarroi , je l’écoute longuement et lui promet d’étudier par le
menu sa situation qui s’avère particulièrement compliquée et lui donne rendez
vous. 8 jours après afin de lui communiquer le résultat de mes investigations .
Les huit jours écoulés je l’appelle et lui suggère de revenir me voir Elle arrive
manifestement tendue et je lui indique que l’analyse faite par son
administration est tout à fait correcte.
Son visage s’éclaire et elle me dit «  je suis rassurée «  Je lui dis qu’elle aurait
peut être du faire confiance à son administration Sa réponse fuse : »impossible
, vous je vous crois , eux jamais …. »
Elle repart heureuse. , quant a moi ce fut ma plus belle récompense de la
journée

Traiter chacun avec tact, ne pas leur mentir ou donner l’impression de le
mépriser en évitant de les prendre pour des. analphabètes , traiter chaque cas
comme un cas exceptionnel relève de la prouesse mais il n’est pas d’autres
moyens pour recoudre la confiance
Et si c’était là aussi une recette pour redonner du sens à la Démocratie ….

le 15 novembre 2023